24/04/2021 12:07:37 – Le Portrait de Dorian Gray#
Un artiste est un créateur de belles choses.
Révéler l'Art en cachant l'artiste, tel est le but de l'Art.
Le critique est celui qui peut traduire dans une autre manière ou avec de nouveaux procédés l'impression que lui laissèrent de belles choses.
L'autobiographie est à la fois la plus haute et la plus basse des formes de la critique.
Ceux qui trouvent de laides intentions en de belles choses sont corrompus sans être séduisants. Et c'est une faute.
Ceux qui trouvent de belles intentions dans les belles choses sont les cultivés. Il reste à ceux-ci l'espérance.
Ce sont les élus pour qui les belles choses signifient simplement la Beauté.
Un livre n'est point moral ou immoral. Il est bien ou mal écrit. C'est tout.
Le dédain du XIXe siècle pour le réalisme est tout pareil à la rage de Caliban apercevant sa face dans un miroir.
Le dédain du XIXe siècle pour le Romantisme est semblable à la rage de Caliban n'apercevant pas sa face dans un miroir.
La vie morale de l'homme forme une part du sujet de l'artiste, mais la moralité de l'art consiste dans l'usage parfait d'un moyen imparfait.
L'artiste ne désire prouver quoi que ce soit. Même les choses vraies peuvent être prouvées.
L'artiste n'a point de sympathies éthiques. Une sympathie morale dans un artiste amène un maniérisme impardonnable du style.
L'artiste n'est jamais pris au dépourvu. Il peut exprimer toute chose.
Pour l'artiste, la pensée et le langage sont les instruments d'un art.
Le vice et la vertu en sont les matériaux. Au point de vue de la forme, le type de tous les arts est la musique. Au point de vue de la sensation, c'est le métier de comédien.
Tout art est à la fois surface et symbole.
Ceux qui cherchent sous la surface le font à leurs risques et périls.
Ceux-là aussi qui tentent de pénétrer le symbole.
C'est le spectateur, et non la vie, que l'Art reflète réellement.
Les diversités d'opinion sur une œuvre d'art montrent que cette œuvre est nouvelle, complexe et viable.
Alors que les critiques diffèrent, l'artiste est en accord avec lui-même.
Nous pouvons pardonner à un homme d'avoir fait une chose utile aussi longtemps qu'il ne l'admire pas. La seule excuse d'avoir fait une chose inutile est de l'admirer intensément.
L'Art est tout à fait inutile.
Le Portrait de Dorian Gray
–– Oscar Wilde (1854-1900)
13/12/2020 20:33:46 – La Divine Comédie#
Par ce chemin secret qu'aucun rayon n'éclaire,
Mon guide m'entraîna vers la région claire ;
Et sans nous arrêter, engagés dans ce lieu,
Nous montâmes tous deux, lui devant, moi derrière.
Enfin par un pertuis au bout de la carrière
J'entrevis les chefs-d'oeuvre étalés au ciel bleu,
Et je sortis revoir les étoiles de Dieu.
01/10/2020 13:15:22 – RUNO I – Crépuscule#
Le soleil est encore, là et pourtant la nuit s'abat sur moi et mes frères tombés.
Le monde est teinté d'écarlate. Rougis dans cette lumière insoutenable.
L'acier par lequel on a vécu, et par lequel on en finit.
Une pluie s'abat dans un fracas assourdissant, et renvoi les reflets de ce qui était autrefois, le soleil de nos vies,
Ce pourquoi on a vécu et pourquoi on a péri.
Le crépuscule frappe soudainement,
Le crépuscule vient prématurément.
Le crépuscule est transperçant,
Le crépuscule a la couleur du sang.
30/06/2020 15:49:10 – La Quadrature de la Bande Dessinée#
L’article cherche à dresser un portrait serré et actuel de ce qui s’est imposé comme le Neuvième Art. Malgré ses formes diverses et sa plasticité, malgré ses innombrables expérimentations, un « esprit de la BD » doit pouvoir être circonscrit, à défaut d’être parfaitement déterminé, dans un périmètre approximatif. Le texte se déroule selon la structure classique d’une page de BD, en quatre strips de trois cases. Les fondements de ce qui est, d’abord, considéré par la critique comme « l’art séquentiel » sont rappelés : images, récit, texte. Puis, une autre approche permet de cerner la bande dessinée comme un langage graphique, porteur d’une pensée graphique sui generis, riche d’une vitalité et d’une grammaire spécifiques. Le troisième « bord » de la bande dessinée pourrait ensuite consister en sa matérialité, car la BD n’est pas abstraite, art ou langage, mais s’incarne dans un objet concret, personnel et domestique, que l’on tient dans sa main et qui répond à certaines caractéristiques éditoriales et factuelles (n’est-elle pas, d’évidence et avant tout, un imprimé ?). Enfin, la mise au carré s’achève par une prise en compte de ce qui est venu chambouler la donne depuis quelques années déjà : le numérique, qui bouleverse les processus d’édition, de diffusion, mais aussi de narration et de réception.
Le médium BD alors naviguerait dans ces eaux troubles, explorant ses frontières poreuses, accroissant son territoire à la recherche de lui-même. Vers où ?
27/05/2020 23:54:34 – Je n’ai pas de bouche et il faut que je crie#
Oh ! Grand Dieu, si jamais il y a un Dieu, de grâce, de grâce, de grâce faites-nous sortir d’ici ou tuez-nous. Je crois que c’est en cet instant que j’ai nettement pris conscience de la réalité : M.A. avait pour dessein de nous garder à jamais dans ses entrailles, de nous torturer et de nous supplicier pour l’éternité. La machine nous haïssait comme aucune créature intelligente n’avait jamais haï. Et nous étions impuissants. La vérité était là dans son atroce clarté : s’il y avait un Dieu, ce Dieu était M.A.
26/05/2020 15:14:55 – La Vie est un songe#
SIGISMOND – Réprimons donc ce naturel farouche, ces emportements, cette ambition, pour le cas où je viendrais encore à rêver. Il le faut et je le ferai ; puisque je suis dans un monde si étrange que vivre c’est rêver, et que je sais par expérience que l’homme qui vit rêve ce qu’il est, jusqu’au réveil. – Le roi rêve qu’il est roi, et il vit dans cette illusion, commandant, disposant et gouvernant ; et ces louanges menteuses qu’il reçoit, la mort les trace sur le sable et d’un souffle les emporte. Qui donc peut désirer de régner, en voyant qu’il lui faudra se réveiller dans la mort ?... Il rêve, le riche, en sa richesse qui lui donne tant de soucis ; – il rêve, le pauvre, sa pauvreté, ses misères, ses souffrances ; – il rêve, celui qui s’agrandit et prospère ; – il rêve, celui qui s’inquiète et sollicite ; – il rêve, celui qui offense et outrage ; – et dans le monde, enfin, bien que personne ne s’en rende compte, tous rêvent ce qu’ils sont. Moi-même, je rêve que je suis ici chargé de fers, comme je rêvais naguère que je me voyais libre et puissant. Qu’est-ce que la vie ? Une illusion. Qu’est-ce que la vie ? Une ombre, une fiction. Et c’est pourquoi le plus grand bien est peu de chose, puisque la vie n’est qu’un rêve et que les rêves ne sont que des rêves.
La Vie est un songe - La vida es sueño
–– Pedro Calderón de la Barca (1600-1681)